L’hôtel
Elle lève les yeux vers la façade métallique de l’hôtel dans cette ville tentaculaire….Florence !
Le pont qui surplombe le fleuve Arno s’étend telle une mâchoire béante offerte aux visiteurs.
Il devrait arriver avant elle, puisque de toute façon il est toujours le premier à leurs rendez-vous pour choisir la chambre. Bleue de préférence avec une fenêtre donnant sur le « Ponte Vecchio » aux teintes fortement ocrées dans les heures crépusculaires.
Elle traverse le large hall, prend l’ascenseur, appuie sur le bouton doré, le quatorzième étage s’illumine en rouge sang…
Il est déjà là, assis dans le fauteuil crapaud, sourire au coin des lèvres, front dégagé, ses lunettes d’écailles posées sur ses genoux. Le regard bleu est lointain, perdu, abrité par des images surréalistes.
Il est venu pour espérer trouver ce qu’il cherche…
Elle le rejoint, s’aligne en silence sur ses désirs, ses pensées, ses délires…
Ils attendent que minuit sonne au loin dans la ville. Elle l’entraîne dans son histoire… Des deux entrées de l’hôtel, elle emprunte toujours la plus étroite, celle que l’on appelle « la porte de l’ombre. »
Elle raconte….
Minuit, aucun bruit, l’escalier étroit du vingtième étage les accueille. Un long couloir sombre presque fantomatique, murs épais et lisses, elle avance lourdement, ses pas résonnent dans l’infini de l’espace. Elle tourne enfin au bout du couloir, puis disparaît… Le silence à l’étage est pesant, suffoquant.
Il l’appelle… elle ne répond pas à ses angoisses. Il emboîte le pas, avance dans la direction des bruits étouffés en titubant…
Il l’espère, la cherche, la désire…Ses pas deviennent sourds, il perd l’équilibre, heurte sa tête contre l’angle du mur, continue, se trouve face à une porte close… Il la traverse !
Devant lui une chambre d’hôtel à peine éclairée, d’une époque révolue. Une chambre poussiéreuse, remplie de livres, de documents, d’objets symboliques. Une chambre d’écrivain, le fauteuil, la table, l’encrier à l’encre sèche, les crayons…et l’on devine les traces de pattes d’un chat !
La pièce est déserte. Elle n’est pas là assise, ne revient pas, ne parle plus, n’existe plus avec ses mots, ses images, ses poèmes…
Elle est partie vers un « hôtel de l’ailleurs » vers « l’hôtel de son intérieur. »
Il pense que dans cette ville elle ne peut véritablement exister !
Mais a-t-elle vraiment existé auprès de lui ?